Thikem's Blog

Pour ne pas cesser d'écrire

Petit poisson 12

Mike veut se dissimule dans une anfractuosité, il me demande de l’aide pour parfaire son camouflage, il n’en peut plus, il veut attendre nos poursuivants, défendre ici sa vie s’il le faut, et leur faire payer chèrement celles de ses amis. Je ne comprends pas, la fin de ce sordide piège à rats semble si proche.

Je lève la tête vers le ciel, il est noir d’encre, la lumière va manquer et je risque de chuter avant d’atteindre la corniche.

Mike se soucie-t-il autant que moi de la raison de cette poursuite, de savoir où sont passés ceux qui nous ont aidés, ainsi que les autres rescapés ? Et les brutes qui vont arriver, le savent-elles seulement ? Je n’en suis pas sûr !

J’ai envie de hurler cette frustration qui me pèse, à en faire s’écrouler des tonnes de pierre sur ces salauds sans visage.

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Petit poisson 11

Le bout du tunnel débouche dans un cirque aux parois escarpées, un cratère aux dimensions majestueuses, et je découvre d’où provenaient les bruits et la chaleur lorsque, plongeant le regard vers le fond, je réalise qu’il y a encore de l’activité, une masse rougeâtre ondule une vingtaine de mètres plus bas.

Le lac de lave semble une barrière infranchissable à toute descente, j’aperçois mes compagnons de fuite à droite, sur une corniche supérieure, ils ont emprunté une sorte de sentier qui m’a l’air creusé par la main de l’homme.

A leur attitude désemparée, je comprends que quelque chose cloche, ils ne peuvent plus progresser, leur course les à conduit dans une impasse. Une discussion animée, plutôt une dispute, a commencé, Mike et moi voyons deux ou trois protagonistes en venir aux mains, et soudain c’est le drame : un homme blond glisse sur le rebord, reste un instant suspendu puis bascule dans le vide, en lâchant un cri de détresse qui s’étouffe lorsqu’il atteint les roches ignées.

Mike émet quelques sons à côté de moi, un nom sans doute, mais je suis trop sonné pour le comprendre. Je fixe sans trop savoir pourquoi le point où le corps s’est enfoncé dans la lave. Il faut que Mike me secoue quelques fois en hurlant pour que j’en détache mon regard.

Sans trop saisir ce qu’il me dit, je suis le doigt qu’il pointe : la corniche est vide. Il s’en faut de peu pour que mon esprit flanche et se laisse aller à la folie.

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Petit poisson 9

9 juillet

A tâtons, nous suivons la paroi vers la gauche, le sol est irrégulier et fuyant, il me faut un bon sens de l’équilibre pour ne pas déraper sur de méchants cailloux, le trajet me semble interminable. Soudain, Mike s’immobilise, me chuchote qu’on approche et d’être prudent, la grosse masse sombre qui nous obstrue la route dissimule à sa base le ticket de sortie du plateau.

Un passage, une sorte de cheminée naturelle, s’enfonce brutalement dans le sol, il y a des encoches sur cinq mètres pour s’aider à la descente, avant un coude du tunnel qui se redresse et poursuit en pente relativement douce vers le centre de la montagne. La chaleur augmente au fur et à mesure de la progression, il me semble ressentir une vibration du sol par moments, et des bruits sourds, comme des coups de masse, j’ai l’impression de me diriger vers les forges de l’enfer.

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Petit poisson 8

Je ne sais pas si c’est le fait de rester immobile, j’ai l’impression que le froid s’intensifie, la condensation est bien visible à chacune de mes respirations, les doigts s’engourdissent et les oreilles picotent, et il y a une sorte de brume qui descend la montagne et dissimule les autres, et amortit les sons, tel un linceul.

Brrr, il faut que je chasse ces sombres pensées… ! J’ai comme un serrement au ventre, qu’est ce que je fais s’ils ont tous disparus, happés par ce mur blanchâtre. Purée, arrêtes, tu déconnes, là. Heureusement, plus bas, rien ne bouge, c’est toujours la prudence qui prévaut, mais pour combien de temps encore.

Ah, il me semble voir quelque chose, ça bouge sur la gauche. C’est Mike, il me fait un signe d’apaisement, s’approche d’un pas rapide. A son sourire, je comprends que les recherches n’ont pas été vaines. Il jette au coup d’œil inquiet vers la forêt, toujours rien qui bouge. Je veux savoir ce qu’on a découvert mais je n’ai droit qu’à un regard mystérieux en guise de réponse.

Nous nous enfonçons dans le nuage dense, on voit à peine à deux mètres, j’espère que ses pas nous mènerons à bon port.

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Petit poisson 7

Le plateau, assez vaste, est désert et jonché de fragments minéraux. Nous sommes sept, les derniers du groupe, a nous hisser à cet endroit et personne ne nous y attend. Pas d’issue devant, la montagne se fait abrupte, pas de chemin de fuite sur les côtés, la surface semble se perdre vers des à-pics infranchissables.

Sur un signe du plus âgé d’entre nous, un visage altier sur un corps athlétique, nous nous rejoignons au centre de la place. On s’interroge du regard, quelle décision prendre : se battre ou renoncer ? Certains veulent discourir sur l’opportunité d’attendre simplement les charognards qui nous harcèlent, en comptant sur une improbable pitié. D’autres veulent imiter les invisibles qui ont facilité notre accès à cet endroit, et faire front tant qu’il y aura des pierres à jeter. Aucun consensus ne se dessine et le temps presse.

Un geste impératif du bras fait cesser les discussions : pas question de se rendre ni de rester coincés ici. Il doit y avoir une issue, sinon où ont pu disparaître les autres. Le chef s’impose par son autorité naturelle, me désigne comme guetteur pour contrôler l’avancée des chasseurs et envoie les cinq restants inspecter les parois à la recherche d’un passage obligé. Aucune protestation ne s’élève, le groupe se disperse sur un dernier encouragement.

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Petit poisson 6

Ils ne se sont pas encore remis à la poursuite, je peux les voir discuter en bordure de la forêt, mettre de la distance entre eux et notre groupe, et rester exposé le moins longtemps possible sur ce flanc aussi chauve que la tête à Mathieu.

Mais cela devient de plus en plus pénible, la pente s’accentue, le sol devient caillouteux, fuyant, se dérobe à chaque pas nous obligeant presqu’à parcourir à quatre pattes les mètres qui nous séparent du plateau. J’en distingue le bord, les premiers d’entre nous s’y sont déjà hissés, je ne les aperçois pas, qu’est-ce qui peut bien nous attendre là-haut ?

Avec la hauteur, le froid me semble plus vif, les vêtements en lambeaux n’offre qu’une protection minime contre sa morsure. Il fera nuit d’ici une ou deux heures, le soleil ne va pas tarder à disparaître derrière les pics montagneux. Sans sa chaude caresse, le gel va devenir encore plus cruel, pourvu qu’il y ait quelque chose là-haut, de l’aide ou au moins une cabane, un abri, une grotte…

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Petit poisson 5

Une clameur sauvage soudaine me tétanise, ils se sont décidés, je n’ai plus la force de gravir cette pente, il ne me reste qu’à défendre chèrement ma peau. Je cherche un bâton, une pierre, quelque chose pour armer mes mains, il n’y a que de la poussière et des herbes sèches. Tant pis, ma dernière énergie servira mes poings. Un rapide coup d’œil m’apprend que je ne suis pas le seul à faire front.

Au moment où l’homme qui lance l’assaut n’est plus qu’à dix mètres de notre ligne, il fait un bond en arrière et s’étale lourdement sur le sol. Je ne comprends pas… jusqu’à ce qu’une pluie de projectiles, venue de plus haut, tombe sur nos poursuivants, les forçant à stopper leur attaque, puis à fuir en contrebas à la recherche d’un abri.

Cette vision me fait pousser un cri de joie, aussitôt imité par les quelques compagnons qui ont assistés à la scène. Pas moyen, cependant, de repérer la position de nos sauveurs, le soleil m’empêche de distinguer les détails des hauteurs. Qu’importe, le temps n’est pas aux remerciements, il faut profiter de ce répit pour reprendre l’ascension et de la distance.

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Petit poisson 4

Mon voisin de droite s’écroule face contre terre, je rejoins le gars balaise qui essaie de le relever, le corps semble aussi mou qu’une poupée de son. Trop tard, l’épuisement a eu raison de lui.

Il ne faut pas tarder, je prends l’autre fugitif par le bras mais il est aussi ancré au sol qu’une statue de granit. Il fixe la main qu’il vient de tirer de sous le cadavre, elle est couverte d’une substance jaunâtre, poisseuse. Pas le temps d’investiguer, je lui crie de bouger, il semble émerger d’une profonde rêverie et s’ébranle à grand peine.

Nous avons perdu un temps précieux, pour rien. Les chasseurs sont sur nos talons, je ne comprends pas pourquoi ils ne nous ont pas encore rattrapés, on dirait qu’ils hésitent maintenant que la végétation s’éclaircit.

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Petit poisson 3

24 juin

La progression du groupe ralentit, la fatigue sans nul doute, et la pente qui s’accentue imperceptiblement. Sommes-nous sur le flanc d’une colline, ou pire, d’une montagne?

Une clameur sauvage retentit en contrebas, les chasseurs nous ont repéré, j’en suis sûr, il ne faut pas ralentir l’allure, même pas pour reprendre ce souffle qui me manque de plus en plus. Misère, je vois des ombres glisser entre les troncs, ils sont tout proches, des hommes en gris… Ne suis-je que du gibier pour eux ?

La forêt semble moins dense, j’ai peur qu’elle ne disparaisse au-delà d’une certaine altitude. En terrain découvert, nos poursuivants auront vite fait de nous rabattre avant de sonner l’hallali. Courir, courir à en exploser les poumons, je ne veux pas finir ici loin des miens…

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Petit poisson

Comment me suis-je retrouvé rampant parmi les rangs serrés de massifs d’aubépines, déchiré par des épines inamicales, les vêtements réduits en loques ensanglantées, couvert d’égratignures et de boue ? Autant se demander pourquoi je m’y trouvais. J’avais bien tenté de retrouver la mémoire des événements d’un passé récent, mais la fatigue et les douleurs lancinantes rendaient improductive toute fouille dans ce sens.

Qui étaient ces poursuivants qui encerclaient ma position et dont les cris de rage, derrière nous, résonnaient comme autant de menaces indicibles ? Quels étaient leurs motifs pour montrer tant de hargne à retrouver mes compagnons et moi-même, réservant un sort effroyable à ceux qu’ils capturaient, comme l’indiquaient ces hurlements d’agonie douloureuse ?

Il faut que j’use de toute mes facultés pour leur échapper, mais tant qu’il fera jour, toute sortie de la protection végétale semble vouée à l’échec. Plus de deux heures que je glisse sur ce sol détrempé, la douleur, la peur aussi, il faut que je reste vigilant, vais-je jamais pouvoir me sortir de ce piège…

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