Comme je n’étais pas plus intéressé par le latin qu’avant Hick et qu’il ne se privait pas de me dégoûter d’en faire, je subissais sans rien dire les brimades qu’il m’assénait, avec une amertume certaine puisque j’étudiais ce cours comme les autres mais étais complètement bouché aux déclinaisons latines aussi bien en version qu’en traduction.
Pas de la mauvaise volonté, donc, mais une incompatibilité mentale. Et mon délicieux maître ne dissimulait aucunement son aversion pour ma personne, les autres élèves étant conscients du parti pris avec lequel il m’interrogeait. Ainsi, lorsqu’il nous avait donné la veille comme devoir d’apprendre la traduction de vingt mots, j’appréhendais le moment où ses yeux allaient se poser sur moi. A l’énoncé de mon nom, les mots fusaient à toute vitesse, un toutes les deux secondes, me laissant à peine le temps de fouiller dans ma mémoire, bafouillant dès les premières syllabes, l’esprit ralenti par l’échec du départ s’embourbait dans les réponses et la sanction tombait, glaciale : deux sur vingt.
Pour les autres, le débit se ralentissait, les prononciations approximatives étaient acceptées, les traductions bancales suffisaient. Aux regards que me lançaient mes copains de classe, je voyais bien qu’ils ressentaient l’injustice qui m’écrasait mais se sentaient impuissants face à cette démonstration de subjectivité. A l’issue de ces interrogations, je les rassurais, j’étais déçu mais nullement abattu : pour moi, le latin n’était déjà plus qu’un rivage lointain qu’on quitte sans remords pour n’y avoir effectué qu’un détour inutile.