Thikem's Blog

Pour ne pas cesser d'écrire

Amour vole

le mars 30, 2012

Le jour où le train avait emmené sa dulcinée à l’autre bout du continent fut le pire de sa vie, on lui volait sa raison de vivre et ce « on » n’était autre qu’un acteur de cinéma minable, une belle gueule de second plan tout juste capable de paraître à l’écran et de balancer la réplique qui faisait mouche dans le coeur des femmes.Il était dégoûté, déçu.

Estelle, son Estelle, est tombée dans les pièges de l’apparence et de l’amalgame, elle se rendra bien vite compte de la profondeur du vide, celui du  personnage qu’elle suit idiotement, celui qu’elle laisse dans ma vie. Et elle reviendra, elle se blottira dans mes bras et me demandera pardon pour les souffrances que j’ai endurées pendant cette semaine… cette quinzaine… tout l’été … ce semestre…

Elle n’avait plus jamais donné de nouvelles, il avait suivi leur idylle dans la presse people, le spectacle de leur bonheur public brisa irrémédiablement en lui quelque chose d’important, il n’en avait pas encore conscience.

Il avait sombré dans une dépression grave, comme une épave abandonnée en pleine tempête par son capitaine, il passait de longues périodes catatoniques à de brefs éclats de violence, de séjours prolongés dans sa chambre à des échappées de plusieurs jours vers des destinations indéterminées, le temps n’avait plus cours, le monde n’était que le stupide décor de sa détresse, le stade d’auto-lacérations au couteau ne dura pas, il fût interné après avoir tenté d’éventrer sa mère au cours d’une énième dispute.

La clinique psychiatrique du Dr Martens était réputée pour ses méthodes intrusives – calmants sur-dosés, douches froides et entretiens déstabilisants – mais redoutablement efficaces sur les patients violents, son cas fût reconnu en bonne voie de stabilisation au cap des cent jours.

C’est là, confortablement enfoncé dans un vieux Chesterfield rouge, qu’il put se détendre à la lecture du drame qui secouait le monde du spectacle: après plusieurs semaines de recherches, les corps mutilés d’Estelle et de son amant avaient été retrouvés dans les douves d’un château gaumais, la police se perdait en conjectures sur le mobile de ces meurtres, elle n’arrêterait aucun suspect et l’enquête s’achèverait sur un constat d’échec.

Le crime parfait!, jubilait-il.

Quelques mois plus tard, le psychiatre lui donnait son bon de sortie, il avait repris ses esprits.


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